EDITORIAL
Il faut alléger le fardeau de la Grèce
A l’occasion de l’Eurogroupe ce jeudi qui décidera du sort du pays, «Libération» appelle la France à peser en faveur d’une annulation, au moins partielle, de sa dette publique, dont le remboursement étrangle la population depuis trop d’années.
ÉDITO
Monsieur le Président, serez-vous à la hauteur ? De l’avis général, vous avez réussi votre entrée sur la scène internationale, que ce soit lors du G7 ou bien au sein de l’Union européenne. Mais c’étaient surtout des gestes symboliques. La «patrie des droits de l’homme» s’honorerait aujourd’hui en passant aux actes dans un dossier brûlant : celui de la dette grecque, qui accable depuis sept ans l’autre patrie de la démocratie. En convainquant les Européens d’adopter enfin une attitude digne de leurs valeurs, vous donneriez une substance concrète à la relance européenne, que vous avez si souvent invoquée pendant votre campagne. La main qui fut si énergique pour affronter Donald Trump le broyeur se tendra-t-elle aussi vers le peuple grec en souffrance ?
Le sort de la Grèce se joue ce jeudi à Luxembourg, lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro qui doit passer en revue le troisième programme de redressement souscrit par les Grecs. Sous la courageuse direction d’Aléxis Tsípras, le pays a consenti des efforts inouïs pour respecter ses engagements. Les dépenses publiques ont été coupées, le déficit public a été ramené à 1,1 % du PIB et la Grèce a accepté de porter, à coups de mesures d’austérité, son «excédent primaire» (hors remboursement de la dette) à plus de 3 % du PIB. La Commission reconnaît elle-même qu’elle n’a jamais eu depuis le début de la crise un dirigeant grec aussi fiable en face d’elle. Ces sacrifices ont atteint cruellement la société grecque. Pour prendre un seul exemple, les retraites ont été divisées par deux depuis le début de la crise. On imagine le séisme qu’une telle réduction aurait provoqué en France.
L’Europe, qui a pris la responsabilité de favoriser l’adhésion grecque, puis d’obliger Athènes à une diète inédite dans l’histoire récente du continent, ne peut pas continuer à exiger la livre de chair de Shylock décrite par Shakespeare pour symboliser l’inhumanité d’un créancier impitoyable. Certes elle a déjà décidé d’un «haircut» (une réduction de dette) pour la partie privée des crédits. Certes, elle a ensuite étalé les remboursements. Certes, l’Eurogroupe va sans doute débloquer les 7 milliards dont la Grèce a besoin pour éviter le défaut de paiement. Mais il est clair, aux yeux de tous les experts de bonne foi, qu’il faut aujourd’hui aller nettement plus loin. Non seulement alléger encore, autant que possible, le poids des paiements énormes que le pays doit assurer. Mais surtout réduire, par une mesure claire, la dette de près de 180 % du PIB qui pèse toujours sur l’économie grecque. Le FMI le fait déjà en accordant aux pays endettés des remises proportionnées aux réformes mises en œuvre. Ce ne serait que justice envers un peuple dont le calvaire a largement compensé les erreurs commises naguère par ses dirigeants. Faut-il rappeler que la crise grecque est l’argument le plus efficace brandi par les ennemis de l’Union européenne ?
Monsieur le Président, au sein du gouvernement précédent, vous avez déjà fait preuve de sollicitude envers la Grèce. Vous êtes aujourd’hui en position de force. Vous avez l’occasion de jouer un rôle décisif dans l’histoire de l’UE. Le ferez-vous ?
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