ΤΑ ΚΕΛΛΙΑ ΤΗΣ ΤΗΝΟΥ

ΤΑ ΚΕΛΛΙΑ ΤΗΣ ΤΗΝΟΥ
Και στα Κελλιά με χρώματα άσπρα και ήλιο μεθούν

lunedì 27 giugno 2016

Le style de la Squadra Azzurra est intimement lié à l'histoire politique du pays. La rigueur défensive, vieille tradition du foot italien, prônée par l'entraîneur Antonio Conte, colle bien à une nation en crise.



http://www.liberation.fr/sports/2016/06/26/de-quoi-le-catenaccio-est-il-le-nom_1462101

Par  — 26 juin 2016 à 14:10


Le sélectionneur italien Antonio Conte lors du match de l'Euro contre l'Irlande, le 22 juin 2016 à Lille Photo MIGUEL MEDINA. AFP

Le style de la Squadra Azzurra est intimement lié à l'histoire politique du pays. La rigueur défensive, vieille tradition du foot italien, prônée par l'entraîneur Antonio Conte, colle bien à une nation en crise.

De quoi le catenaccio est-il le nom ?
Paolo Rossi de la tête, Marco Tardelli d’une parfaite diagonale du gauche et enfin Alessandro Altobelli pour l’estocade. En un peu plus de vingt minutes, le 11 juillet 1982, la Squadra Azzurra assomme l’équipe nationale d’Allemagne. L’Italie remporte sa troisième Coupe du monde. Pour de nombreux supporteurs français, le voisin transalpin a vengé le onze de Michel Platini éliminé douloureusement en demi-finale par les coéquipiers de Harald Schumacher. En poule, les hommes du malicieux Enzo Bearzot ont éliminé le somptueux Brésil de Zico et Falcao et découragé l’Argentine de la jeune étoile Diego Armando Maradona. Critiquée par la presse avant la compétition, vilipendée après trois matchs nuls au premier tour, l’Italie triomphe, à la surprise quasi générale, avant tout grâce à une organisation défensive parfaite. «Santo Catenaccio», s’enthousiasme le lendemain dans les colonnes de la Repubblica le légendaire journaliste sportif et écrivain Gianni Brera. L’article est un manifeste footballistique aux accents identitaires : «Italie, ta victoire est limpide, nette : elle n’est pas le fruit de la fortune mais uniquement de l’application logique (a posteriori !) du système de jeu qui est le tien et que tout le monde appelle le jeu à l’italienne.» Contre les «paons brésiliens» et «le crétin de la Plata Cesare Menoti [sélectionneur de l’Argentine, ndlr] qui nous avait accusés de passéisme chronique, de retard historique impardonnable», Enzo Bearzot «a fait recours sans fausse pudeur au culte de la défense et Saint Catenaccio l’a récompensé avec la précise diligence du faiseur de miracles». Plus tard, l’entraîneur cherchera à rectifier le jugement de Brera en expliquant que son système de jeu n’était pas uniquement fondé sur la mise en place d’un mur protecteur, avec une accumulation de défenseurs, de marquages à la culotte des attaquants adverses et de contre-attaques meurtrière. Qu’importe. La victoire de 1982 avec ses colonnes portantes Gaetano Scirea et Claudio Gentile sur la ligne arrière restera dans les mémoires comme l’apothéose du «jeu à l’italienne» et l’apogée du «catenaccio» comme antonomase du calcio. Avant une longue éclipse qui est sans doute en train de prendre fin.
«Avec l’actuel sélectionneur Antonio Conte, on assiste au retour de la tradition italienne», considère le journaliste Mario Sconcerti, ancien directeur du quotidien Il Corriere dello Sport. «A peu près toutes les équipes européennes jouent à l’horizontal, c’est-à-dire en s’approchant du but adverse avec des passes transversales.» L’Espagne, que l’Italie rencontre ce soir en huitièmes de finale, a même fait de ce style son image de marque. «A l’inverse, poursuit Mario Sconcerti, Conte s’appuie sur une défense extrêmement solide et repart avec un jeu rapide, vertical.» Est-ce l’honneur retrouvé du catenaccio ? En Italie, la question dépasse en tout cas la simple discussion sportive. Car «lorsque le foot se massifie dans les années 50, celui-ci devient un élément de l’identité nationale pour les Italiens et le catenaccio, leur marque de fabrique», indique l’historien Fabien Archambault, auteur du livre le Contrôle du ballon. Les catholiques, les communistes et le football en Italie de 1943 au tournant des années 80 (1).
 (1) Ed. Bibliothèque des écoles françaises d’Athènes et de Rome, 2012

Mais l’affaire remonte en fait aux années 30. A l’époque, le foot considéré comme un jeu d’Anglais et d’étrangers, est regardé avec circonspection par le régime fasciste. On lui préfère le cyclisme, plus populaire. Mais il faut battre les équipes du Nord et notamment l’Autriche voisine qui déploie un jeu offensif. Des passeports sont alors accordés aux joueurs sud-américains, uruguayens et argentins (fils d’émigrés italiens) habitués au jeu défensif qui viennent renforcer la Squadra Azzurra. L’Italie remporte la Coupe de monde 1934 (notamment avec Luis Menoti surnommé «le boucher» qui avait été finaliste quatre ans plus tôt sous le maillot de l’Argentine) puis récidive quatre ans plus tard. «Le catenaccio, ce n’est pas seulement l’aspect défensif, détaille Fabien Archambault. C’est avant tout l’idée de la discipline, de la tactique avec, avant tous les autres pays, un rôle précis assigné au capitaine et à l’entraîneur. Le catenaccio est une réponse du faible au fort. Comme cela permet de gagner, cela va devenir consubstantiel à l’idée de l’Italie.»
«Au début des années 50, le catenaccio est d’abord employé par les petites équipes pour rétablir un équilibre dans le championnat italien, souligne Mario Sconcerti. Puis en 1953, l’Inter de Milan est la première équipe à gagner le championnat avec ce type de jeu. L’entraîneur Alfredo Foni reprend l’idée [développée pour la première fois en Suisse dans les années 30 par l’entraîneur autrichien Karl Rappan, ndlr] de retirer un milieu de terrain pour ajouter un défenseur central, sans marquage précis». Le «libero» est né et la ligne arrière passe à quatre éléments. Au fil des années et dans certaines phases de jeu, la défense pourra compter jusqu’à six joueurs. Son réalisme efficace et sa défense à outrance permettent à une Italie sortie exsangue de la guerre de retrouver un statut de puissance au niveau sportif. Dans les années 60, le catenaccio de Nereo Rocco à la tête du Milan AC et de Helenio Herrera alors aux commandes de l’Inter s’impose en Italie et permet de conquérir l’Europe. Gianni Brera va jusqu’à théoriser le concept. «Selon lui, les Italiens – petits, râblés mais travailleurs et obstinés – ne peuvent rivaliser à armes égales avec les peuples du Nord, plus grands, mieux nourris et plus athlétiques, rappelle Fabien Archambault. L’adoption du catenaccio aurait donc témoigné des capacités d’adaptation des Italiens à l’adversité, de leur ruse et de leur sens de la débrouillardise.»
«Le catenaccio, c’était la lutte des classes»
Une vision qui sera très largement partagée par les principales forces politiques du pays. Selon l’universitaire, «la Démocratie chrétienne adhérait totalement à cette conception car les joueurs devaient être disciplinés et respecter l’entraîneur comme devaient l’être les fidèles vis-à-vis de l’Eglise et de la hiérarchie catholique. Mais les communistes aussi se rangèrent derrière cette philosophie : pour eux, le catenaccio, c’était le jeu des pauvres, des prolétaires et il exaltait le sens du collectif. Quant à l’organisation disciplinée de l’équipe, elle faisait écho à l’obéissance due au parti et à son secrétaire général». Mais même pour une partie de l’extrême gauche, le catenaccio, avec son économie des forces, l’attente du moment propice pour renverser le destin, est alors assimilé à une forme de résistance voire à une métaphore de la grève qui bloque la production de jeu de l’adversaire. «Le catenaccio, c’était la lutte des classes : on était faible et on devait se défendre», dira, en 2006, le philosophe Toni Negri dans un entretien à Libération. «C’est comme si le catenaccio faisait partie du caractère italien. Probablement, ils ne l’ont pas inventé. Il était déjà en eux», aurait résumé Pier Paolo Pasolini.
Lorsque l’Italie est éliminée de la Coupe du monde en 1966 par la modeste Corée en pratiquant un jeu moins défensif, l’entraîneur est crucifié. Edmondo Fabbri a trahi la tradition nationale que l’Italie s’est inventée. L’humiliation devient une affaire politique. Le Parlement décide de fermer les frontières aux joueurs étrangers dans le championnat italien. Mais derrière cette apparente unanimité en faveur du catenaccio, apparaissent dès 1970 les premières brèches. Cette année-là, en demi-finale de la Coupe du monde à Mexico, l’Italie bat l’Allemagne, de manière épique. Au terme du temps réglementaire, les deux équipes sont bloquées sur un match nul (1-1). Sous l’emprise de la chaleur et de la fatigue, les schémas de jeu volent en éclats durant la prolongation. D’autant que le légendaire milieu de terrain offensif Gianni Rivera entré à la mi-temps bouscule le plan tactique. Dans un final haletant, le «match du siècle» se termine par une victoire 4-3 des Azzurri. «Sur le plan technique et tactique, le football pratiqué a été totalement confus et médiocre», grimace Gianni Brera. Mais pour une grande partie de la jeunesse, c’est une libération. Le vent de Mai 68 a flotté sur le Calcio. «L’attaque et l’audace ont mené à la victoire contre les Allemands. La conclusion, c’est que les étudiants doivent faire la même chose et prendre le pouvoir», résume Archambault. La défense à outrance, symbole d’une «Démocratie chrétienne attentiste, hypocrite et roublarde», est, ce soir-là, mise en échec écrira plus tard le sociologue et ancien ministre (centre gauche) Nando Della Chiesa.
«Voter Démocratie chrétienne, c’est jouer le 0-0»
En finale, l’Italie revient à son jeu traditionnel. Gianni Rivera n’entre sur le terrain que dans les six dernières minutes. La Squadra Azzurra est défaite par le Brésil (1-4). Reste que, dans une Italie qui a connu le miracle économique, l’exigence du beau jeu et du plaisir a commencé à être clairement revendiquée par une frange du pays. Notamment par certains socialistes comme le directeur du Corriere dello Sport, Antonio Ghirelli qui ira jusqu’à écrire «le catenaccio est une métaphore de la Démocratie chrétienne. Voter DC, c’est jouer le 0-0». Cette aspiration à un jeu débridé est parfaitement comprise au milieu des années 80 par un jeune entrepreneur en bâtiment qui se lance dans la télévision et le football, avec la bénédiction du parti socialiste de Bettino Craxi. En 1986, Silvio Berlusconi rachète ainsi le Milan AC et recrute à prix d’or des stars du ballon rond dont le trio néerlandais Van Basten-Gullit-Rijkaard. Entre-temps le bannissement des joueurs étrangers est tombé. L’Italie tourne le dos aux années de plomb, dépasse la Grande-Bretagne en termes de PIB et va reconquérir le sommet du football européen. «Le jeu spectaculaire du Milan AC, retransmis par la télévision, oblige alors tous les autres clubs à s’adapter, à être plus offensifs», note Mario Sconcerti qui souligne néanmoins que «l’Italie n’a jamais totalement abandonné sa touche défensive et son sens tactique». «Cela lui a d’ailleurs permis de remporter une quatrième Coupe du monde en 1998, s’amuse Fabien Archambault. Derrière Didier Deschamps qui était à la Juventus de Turin, tous les défenseurs de l’équipe de France évoluaient ou avaient joué dans la péninsule. Et ils ont gagné à l’italienne.»

Avec la crise économique de 2008, le championnat transalpin a perdu de sa superbe. La plupart des meilleurs joueurs étrangers préfèrent des destinations plus prospères : la Liga espagnole, la Premier League anglaise ou le Paris-Saint-Germain. Silvio Berlusconi est en train de vendre le Milan AC et la plupart des entraîneurs de clubs de la Botte se réfugient dans un «tiki-taka» dans leur propre moitié de terrain (à la différence des équipes de Pep Guardiola) voire dans un catenaccio un brin modernisé. Les tifosi espèrent que la Squadra Azzurra, privée de vedettes hormis le gardien Gianluigi Buffon, saura faire valoir une fois encore à l’Euro son sens tactique, sa discipline et son efficacité. Et tant pis pour le beau jeu. Dans une péninsule en crise de confiance et à la croissance économique poussive, il revient désormais au jeune président du Conseil, Matteo Renzi, d’éloigner le spectre du repli défensif : «Le Parti démocrate ne peut rester enfermé dans le catenaccio, nous devons raconter que nous sommes en train de changer l’Italie. Cessons avec les narrations négatives.»

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